Photo titre : Plus de 400 000 manifestants pro-palestiniens descendent dans les rues lors d’une marche nationale à Washington DC pour montrer leur soutien aux Palestiniens et appeler à un cessez-le-feu et à la fin du génocide à Gaza, le 13 janvier 2024. (Photo : Eman Mohammed)
Le slogan « Mondialiser l’Intifada » a résonné dans le monde entier, adopté par les militants et attaqué par les opposants. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Ce n’est pas seulement un slogan, mais un appel à la fermeté qui transforme la vie quotidienne en un espace de dignité et de résistance.
Comme l’ont montré des rapports récents, la flottille mondiale Soumoud a été interceptée illégalement par les forces d’occupation israéliennes dans les eaux internationales, suscitant l’indignation dans le monde entier. En réponse, les syndicats de dockers ont appelé à une grève nationale le vendredi 3 octobre. Dans ce contexte, le slogan « Mondialiser l’Intifada » a résonné à travers les protestations et les manifestations dans le monde entier, devenant un cri de ralliement pour ceux qui voient dans la lutte palestinienne une lutte universelle contre l’oppression.
Tout le monde a répété le slogan, mais qu’est-ce que cela signifie réellement, et pourquoi est-il significatif ?
À la base, il capture l’idée que l’Intifada palestinienne – le terme que les Palestiniens ont popularisé lors de leur soulèvement populaire contre l’occupation en 1987, et qui signifie « se secouer » et « se soulever » – n’a jamais été simplement un soulèvement local confiné aux rues de Gaza ou aux ruelles de la Cisjordanie. C’était plutôt un modèle de lutte qui révélait comment des gens ordinaires pouvaient résister à un système de domination avec rien d’autre que leur propre corps, leur voix et leur détermination. Mondialiser l’Intifada signifie reconnaître que cette forme de résistance – décentralisée, populaire et enracinée dans la vie quotidienne – est porteuse de leçons pour les peuples opprimés du monde entier.
Les Palestiniens ont montré qu’un soulèvement peut survivre aux chars et aux avions de guerre s’il tire sa force de la persévérance quotidienne des gens ordinaires.
L’essence de l’Intifada, comme l’a expliqué le regretté érudit égyptien Abdel-Wahab El-Messiri, est qu’il ne s’agissait pas d’une révolte conventionnelle menée par une armée ou un seul chef charismatique. Son pouvoir même résidait dans l’absence d’une direction officielle. Il n’y avait pas une seule personne à assassiner, pas de quartier général à bombarder, pas de structure de commandement à démanteler. Le soulèvement a été porté sur les épaules des civils, des ouvriers, des agriculteurs, des mères, des enfants et des enseignants. Tous ont transformé la résistance en une pratique quotidienne.
De cette façon, l’Intifada était immunisée contre les tactiques normalement utilisées par les occupants pour écraser les révoltes. Ce qui l’a fait perdurer, c’est précisément que la résistance s’est normalisée dans le rythme quotidien de la vie. Les Palestiniens sont allés au travail, à l’école, au marché et, dans le même souffle, ont participé à des manifestations, des grèves ou des actes de défiance.
Le soulèvement n’a pas obligé les gens à suspendre leur vie ; au lieu de cela, elle était tissée dans leur existence quotidienne. Pour El-Messiri, c’est ce qui a donné à l’Intifada son caractère unique : non pas une éruption momentanée de rage, mais un mode de vie.
Pour cette raison, l’Intifada pourrait se poursuivre pendant des années sans s’épuiser. Elle n’a pas été soutenue par un seul acte de violence dramatique, mais par d’innombrables petites actions persistantes menées par toute une société. Chaque personne, chaque quartier, a porté sa part de lutte. Cela a rendu le soulèvement non seulement durable, mais aussi profondément démocratique – enraciné dans la volonté collective du peuple plutôt que dans les ordres de quelques dirigeants.
Appeler à la mondialisation de l’Intifada, c’est donc demander que cette leçon soit comprise et acceptée : la résistance est plus forte lorsqu’elle est décentralisée, lorsqu’elle appartient à tout le monde et lorsqu’elle devient inséparable de l’acte même de vivre sous l’oppression.
Le message de l’Intifada ne se limite pas à la Palestine. Rendre la résistance indissociable de la vie quotidienne signifie reconnaître que la solidarité ne s’exprime pas seulement dans les moments de crise ou de protestation de masse, mais dans les choix que les gens font chaque jour. Les peuples du monde doivent porter la cause palestinienne dans leurs cœurs parce que c’est une cause qui représente des injustices partout. L’Intifada est une culture de résistance qui peut être adoptée, comme nous l’avons vu au cours des deux dernières années, avec des manifestations et des marches hebdomadaires pour la Palestine. Mais il reste encore beaucoup à faire pour mettre fin aux 77 ans d’occupation de la Palestine.
Les injustices ne peuvent et ne doivent pas être normalisées. Partout dans le monde, les gens ont la responsabilité d’amplifier les voix marginalisées, de soutenir les grèves et les boycotts lorsqu’ils se manifestent, et de faire le lien entre leurs routines personnelles, que ce soit au travail ou dans les salles de classe, à la lutte plus large pour la justice. Mondialiser l’Intifada ne consiste pas seulement à scander un slogan, mais à pratiquer une forme de fermeté (sumud) qui transforme la vie ordinaire en un lieu de dignité et de défi.
C’est devenu plus qu’un chant lors de rassemblements ; C’est une déclaration sur la façon dont les mouvements de libération doivent s’adapter à une époque de pouvoir asymétrique.
Les Palestiniens ont montré qu’un soulèvement peut survivre aux chars et aux avions de guerre s’il tire sa force de la persévérance quotidienne des gens ordinaires. Alors que les grèves se propagent et que les voix résonnent à travers les continents, le cri de mondialisation de l’Intifada nous rappelle que la lutte pour la liberté en Palestine est inséparable de la lutte humaine plus large pour la dignité et la justice.
Notes : Al-Messiri, Abdel Wahab. L’Intifada palestinienne et la crise sioniste : une étude de perception et de dignité. Le Caire : Estampe Alfaneya, 1988.
MONDOWEISS – Rouand X – 3 octobre 2025
Rouand X est un diplômé afro-palestinien en sciences politiques et un écrivain et chercheur en philosophie et en études politiques postcoloniales. Son travail se concentre sur la Palestine, l’identité et les politiques de libération.