Plus de six mois et demi après l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » menée par le Hamas le 7 octobre 2023, par-delà la barrière qui entoure la bande de Gaza, et celle de l’armée israélienne nommée « Glaive de fer » sur l’enclave palestinienne, le bilan provisoire est effrayant. Selon les chiffres disponibles, le 7 octobre, 1 143 personnes, pour la plupart israéliennes, ont été tuées – 767 civils, dont 33 enfants, ainsi que 376 militaires et membres des forces de sécurité. Près de 133 personnes étaient enlevées. Le même jour, selon des sources israéliennes, plus de 1 600 combattants parmi les assaillants ont été tués sur place et près de 200 personnes arrêtées.
Depuis le 7 octobre 2023, à la date du 1er mai 2024, 34 568 Palestiniens ont été tués, dont 14 500 enfants et 9 500 femmes, auxquels il faut ajouter jusqu’à 20 000 personnes qui seraient ensevelies sous les décombres, ainsi que 77 765 blessés, dont beaucoup très grièvement. 1,7 millions d’habitants de Gaza ont été déplacés et l’ensemble de la population de l’enclave souffre d’une famine croissante, qui lui est infligée par Israël.
La plupart des habitations de Gaza ont été détruites dans ce qui est certainement la campagne de bombardement la plus destructrice de ce siècle, et probablement la plus destructrice de l’histoire en termes d’intensité. Alors que la bombe atomique larguée sur Hiroshima avait une puissance de 15 kilotonnes de TNT, les forces armées israéliennes ont déjà largué près de cinq fois ce tonnage sur les 365 kilomètres carrés de Gaza. Tous ces chiffres sont provisoires et continuent d’augmenter, jour après jour.
Nous vivons une tragédie horrible, un véritable carnage, perpétrés par les décideurs de l’Etat d’Israël, descendants des victimes de la Shoah. Tragédie rendue possible grâce au silence des Etats Unis, protecteurs d’Israël, au silence des Etats arabes, au silence des Etats européens qui se prétendent défenseurs de l’Humanité, défenseurs des Droits de l’Homme.
Oui, parfois nous nous sentons impuissants devant ce déchainement de haine et de racisme, mais nous résistons dans nos esprits, nous ne nous laissons pas duper, nous témoignons pour qu’on ne puisse pas oublier. Nous avons le courage de regarder les choses en face et nous mettons tout en œuvre pour continuer à témoigner et à dénoncer le génocide en cour !
Du courage, il en faut pour résister au narratif de l’Etat fasciste d’Israël qui définit notre soutien à la cause palestinienne comme une opération antisémite. Du courage, il en faut face à la répression de toute forme de soutien à la Palestine menée par notre gouvernement avec une intensité maximale et rarement égalée. Quoi qu’on pense de la situation en Palestine, chacun devrait être profondément inquiet devant un tel déploiement répressif : à chaque fois, c’est un nouveau cap franchi dans la destruction de nos fondements démocratiques, contre nos libertés, contre notre liberté d’expression.
Manifestations interdites, conférences annulées, convocations pour « apologie du terrorisme », l’État et la justice multiplient les procédures bâillons face aux militants de la cause palestinienne. Peut-on parler librement de la Palestine en France ? Peut-on nommer en tant que telle la politique coloniale d’Israël et dénoncer ce que la Cour internationale de justice qualifie de « risque de génocide » dans la bande de Gaza ? Depuis le 7 octobre 2023, et le début de l’intervention militaire d’Israël dans l’enclave, la pression contre le mouvement de solidarité envers la Palestine et pour un cessez-le-feu est allée crescendo.
Le Journal Officiel de la République française, le JORF, quotidien officiel de la France, dans lequel sont publiés les lois, les textes règlementaires et les publications légales, annonce, le 2 avril dernier, la création de l’association « Diaspora Defense Forces », branche internationale de l’armée de défense d’Israël, Tsahal en hébreu. C’est à l’initiative du gouvernement israélien, et plus précisément de son « ministère de la diaspora » que cette armée étrangère vient d’être déclarée en France, en toute impunité.
Parallèlement, les convocations par la brigade antiterroriste de Monsieur Darmanin et les accusations « d’apologie du terrorisme » pleuvent. Elles visent des organisations syndicales étudiantes, des partis politiques ou encore des personnes comme Sihame Assbague, journaliste militante antiraciste, Rima Hassan, juriste d’origine palestinienne et candidate aux élections européennes, ou encore Anasse Kazib militant syndical et politique. Un nouveau cap a été franchi avec la condamnation à un an de prison avec sursis de Jean-Paul Delescaut, syndicaliste CGT dans le Nord. Qu’est-ce que cela dit de la liberté d’expression et des libertés syndicales en France, quand on peut être condamné pour un simple tract ? Puis c’est au tour de Mathilde Panot, députée, cheffe du groupe LFI à l’Assemblée nationale, d’être convoquée pour apologie du terrorisme. Qu’est-ce que cela dit de l’état de la démocratie parlementaire en France, quand le gouvernement peut ouvrir une enquête contre une des principales figures de l’opposition ? Sans compter les personnes moins connues, dont on ignore précisément le nombre. Qui sera la ou le prochain ? Toi là-bas, ou moi ? Qui sait ? Toutes ces accusations n’ont qu’une fonction : réprimer et faire peur. C’était aussi l’objectif de l’évacuation – en pleine nuit – des étudiants qui bloquaient une partie de Sciences Po Paris, jeudi 25 avril.
Chaque critique du régime de Netanyahou, tout appel au Boycott de l’Etat d’Israël, valent procès pour antisémitisme pour Messieurs Macron et ses acolytes. Chaque risque de critique génère une nouvelle circulaire de notre cher Ministre de la Justice. Ainsi, dès le 10 octobre 2023, Dupond Moretti transmet aux parquets une circulaire qui précise que « les propos vantant les attaques du Hamas, en les présentant comme une légitime résistance à Israël sont constitutifs du délit d’apologie du terrorisme ». Toutes les condamnations prononcées à ce jour s’appuient sur cette circulaire. Le président de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme s’inquiète de ce que “cette circulaire [ait] pu engendrer une confusion entre l’approbation, l’éloge d’un crime et des criminels, et des prises de position relatives au contexte dans lequel ils ont été commis. Ces derniers s’inscrivent dans un débat d’idée, précise-t-il, et devraient par conséquent pouvoir bénéficier de la liberté d’expression” . L’AFPS Alsace, quant à elle, a saisi le Tribunal Administratif pour faire abroger ladite circulaire.
Puisque nous en sommes là, je pense qu’il est temps que nous rafraichissions la mémoire à nos gouvernants et leur rappelions qu’ils agissent en toute illégalité ! Oui, en toute illégalité ! J’explique :
Cour Européenne des Droits de l’Homme Strasbourg – 5ème section – 11 juin 2020
Alinéa 79 – « Comme la Cour l’a rappelé dans l’arrêt Perinçek (précité, § 231), par nature, le discours politique est source de polémiques et est souvent virulent. Il n’en demeure pas moins d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance… »
Alinéa 81 – « Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention. »
L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui protège la liberté d’expression…
Cour d’Appel de Paris – 14 mars 2024
Par deux arrêts du 14 mars 2024, la Cour d’Appel de Paris a confirmé deux jugements de relaxe rendus par le Tribunal correctionnel de Mulhouse le 15 décembre 2011. Ces arrêts concernent les 12 militants alsaciens de la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions qui avaient été condamnés à tort par la Cour d’appel de Colmar en 2013.
Alors oui, les 12 de Mulhouse ont gagné par deux fois, nous avons gagné, envers et contre tous les Macron, Darmanin, Dupond Moretti et compagnie. Que de courage leur a-t-il fallu !
Alors oui, nous continuerons à critiquer la politique de l’Etat d’Israël.
Oui nous montrerons du doigt les assassins et témoignerons contre eux.
Oui nous utiliserons tous les moyens qui sont les nôtres pour dénoncer le génocide du peuple de Palestine !
Pour l’AFPS Alsace c’est clair, seuls ou avec vous, nous déposons notre dossier de plainte pour génocide à Gaza contre les responsables israéliens.
Mais n’ont-ils donc pas compris qu’ils ne nous feront pas taire ?
N’ont-ils pas compris qu’en dépit du déchainement de la violence coloniale israélienne, soutenue par l’impérialisme occidental, la résistance du peuple palestinien se poursuit inlassablement et est soutenue par la solidarité internationale ?
La solidarité envers le peuple palestinien perdurera, la résistance du peuple de Palestine perdurera, parce que l’émancipation est une aspiration humaine fondamentale, qui résiste à toute agression, d’où qu’elle vienne.
Mulhouse, le 4 mai 2024.