À l’heure où le mouvement de solidarité avec la Palestine subit en France une répression renforcée, le gouvernement allemand vient de franchir une nouvelle étape dans sa propre dérive autoritaire.
À l’heure où le mouvement de solidarité avec la Palestine subit en France une répression renforcée – convocation de nombreuses personnalités politiques pour apologie du terrorisme, interdiction de la conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan à l’université de Lille, condamnation à un an de prison avec sursis du secrétaire départemental de la CGT dans le Nord ou tentative d’interdiction de la marche du 21 avril à Paris – le gouvernement allemand vient de franchir une nouvelle étape dans sa propre dérive autoritaire.
Le 12 avril, la police allemande a mené une descente au Congrès palestinien organisé à Berlin. Le Congrès devait réunir des intervenant·es du monde entier, notamment des Palestinien·nes tel·les que Ghassan Abu-Sittah, Salman Abu Sitta, Noura Erakat et Ali Abunimah. Organisé notamment par des groupes palestiniens et juifs, il avait pour objectif de discuter du génocide à Gaza et des crimes israéliens contre les Palestinien·nes, et de sensibiliser le public à la complicité de l’Allemagne dans ce génocide, complicité qui lui vaut d’être actuellement confrontée à des accusations devant la Cour internationale de Justice.
Les semaines précédant le Congrès, le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour exercer des pressions, diffamer et intimider les organisateur·ices. Les domiciles des militant·es impliqué·es dans la conférence ont été perquisitionnés, et une collecte de fonds pour le Congrès a été interdite. Les autorités berlinoises ont également gelé le compte bancaire de la Jüdische Stimme für gerechten Frieden (Voix juive pour une paix juste), comptant parmi les organisateurs du Congrès, sur lequel toutes les contributions pour l’événement étaient collectées.
Le jour de la conférence, l’État allemand a déployé 2 500 policiers à proximité du lieu et à l’intérieur de la salle. Des agents de police armés ont pénétré sur les lieux, coupant l’électricité et mettant fin à la rencontre. La police a procédé à plusieurs arrestations de militant·es, parmi lesquels figuraient deux membres de l’organisation Jüdische Stimme. D’autres militant·es juif·ves avaient déjà été appréhendé·es, notamment pour avoir brandi une pancarte proclamant « Juifs contre le génocide ».
Le même jour, deux intervenants se sont vu refuser l’entrée en Allemagne. Le chirurgien anglo-palestinien Ghassan Abu Sittah, qui devait prendre la parole pour parler de son travail dans les hôpitaux de Gaza où il a passé 46 jours entre octobre et novembre 2023, a été expulsé vers le Royaume-Uni. L’ancien ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, a été déclaré persona non grata sur le sol allemand.
Ces mesures – que la ministre de l’Intérieur allemande, Nacey Faeser, a justifiées en alléguant que le Congrès était une tribune pour la scène islamiste et la haine des Juif·ves – marquent une nouvelle étape dans l’escalade de la répression de l’activisme palestinien au nom d’une prétendue lutte contre l’antisémitisme. Animé par un philosémitisme structurel qui s’incarne dans un soutien inconditionnel à l’État d’Israël, le discours amalgamant protection des Juif·ves, soutien à Israël et répression des Palestinien·nes est fortement enraciné en Allemagne où aucune force politique ou mouvement social de premier plan ne s’y oppose frontalement.
À la veille des élections européennes, la liste d’extrême-droite du parti AFD, créditée de 20% d’intentions de vote dans les derniers sondages, s’apprête à devenir incontournable sur la scène politique nationale. Ce parti incarne ce qu’est devenu le néofacisme européen : un mouvement politique qui masque son antisémitisme derrière un soutien sans faille au régime d’apartheid israélien et qui instrumentalise les Juif·ves pour cogner sur les Musulman·es.
Fanon disait que celui qui adore les Noir·es est aussi malade que celui qui les déteste. Appliquée à la fétichisation des Juif·ves, cette phrase résume l’hypocrisie et la confusion qui règnent en Allemagne. Si la France suit de près sa voisine dans sa dérive autoritaire, il est à noter que la lutte paie malgré tout : l’interdiction de la marche du 21 avril contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection des enfants a finalement été annulée en dernière instance devant le Conseil d’État. La justice a conclu que l’interdiction de l’événement par la préfecture de police constituait « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation ».
Tsedek! réaffirme son soutien total à nos frères et sœurs de la Jüdische Stimme et du Jewish Bund ainsi qu’aux militant·es allemand·es engagé·es contre le génocide et pour les droits du peuple palestinien. Hoch die internationale Solidarität!
Le Club de Mediapart – Tsedek! Collectif juif décolonial – 22 avril 2024