Sommaire    Mission Union AFPS Grand Est - 2022

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14/09/22

Mireille Pelka - Guy Perreir

   

   

Rencontre avec le Dr Moustapha Barghouti

Entretien

Bios

   

L'entretien

Quel est l’objectif de notre entretien avec le Docteur BARGHOUTHI ?

C’est à l’homme politique que nous nous adressons autour de notre revendication de la Reconnaissance de l’Etat de Palestine. Deux thèmes nous préoccupent :

  • L’Etat de Palestine existe-t-il ? Quelle est son organisation ?

  • Que pensez-vous, que représente pour vous notre revendication de Reconnaissance de l’Etat de Palestine ?

 

Mustafa BARGHOUTHI :

Votre plaidoyer pour la Reconnaissance de l’Etat palestinien est juste et nécessaire.

La durée prévue des accords d’Oslo était de 6 ans. 29 ans après Israël refuse toujours de négocier avec nous. Pour le gouvernement français la Reconnaissance de l’Etat palestinien n’est qu’une formalité. Pour la Palestine cette décision politique de l’exécutif français entrainerait certainement l’arrêt de la colonisation.

En 1993, la situation politique était telle que l’OLP est tombée dans un piège en signant les accords d’Oslo. J’avais moi-même fait partie de la délégation palestinienne à la Conférence de Madrid en 1991. Oslo a été un instrument pour tromper les gens. Trois erreurs fondamentales y ont été commises :

  • Nous demandions à l’OLP d’exiger la fin de la colonisation. Le nombre de colons présents sur le territoire de la Palestine est passé de 120 000 à 750 00 aujourd’hui.

  • Nous demandions la Reconnaissance de la Palestine avant toute signature et surtout avant que l’OLP ne reconnaisse Israël.

  • Nous demandions l’abandon du zonage tel que prévu (zones A,B et C), qui visait à démanteler le projet de souveraineté palestinien et à créer un bantoustan.

Malheureusement nous n’avons pas été écouté.

Aujourd’hui, c’est Israël qui a mis fin aux accords d’Oslo. La meilleure solution est celle des deux Etats. C’est la façon la plus facile d’arrêter toutes les souffrances. Mais la situation est telle que l’on peut dire que ce projet « est en salle de réanimation »…

Le projet d’Israël, ces 10 dernières années, est très clair : c’est un pays sans les Palestiniens. A cela nous répondons fermement : JAMAIS. Parce que nous avons avec nous le droit, notre volonté et notre détermination !

Les Israéliens se bornent à créer des conditions de vie insupportables pour les Palestiniens. Ils misent sur la lassitude et le ras-le-bol. Ils pensent que, puisque la vie est littéralement impossible ici, les Palestiniens finiront bien par s’en aller d’eux-mêmes.

Prenons l’exemple du réseau routier ou des permis de construire délivrés en zone C :

·       les autorités israéliennes d’occupation ont construit des routes exclusivement réservées aux colons et à tous les Israéliens. Interdites aux Palestiniens. Si, par exemple, moi, pourtant député du Parlement palestinien, ancien ministre, je venais à emprunter l’une de ces routes, ou ne serait-ce qu’à m’y promener à pied, je serais immédiatement arrêté et condamné à six mois de prison.

·       En 5 ans nous comptons 5 900 projets de constructions pour les colons israéliens et seulement 300 pour les Palestiniens.

Aujourd’hui, la problématique est double : il ne suffit pas de demander la fin de l’occupation, il faut aussi exiger la fin de l’apartheid.

Vous me demandez si un état palestinien est possible dans ces conditions. Bien entendu, mais uniquement si deux critères sont appliqués :

  • La résistance de la population

  • L’application de B D S, en donnant tout son sens au mot Sanction. Il est simple de sanctionner un état lorsqu’il ne respecte pas le droit international. C’est une décision politique. L’Europe et les Etats Unis infligent bien des sanctions économiques à la Russie et cela a été possible huit jours seulement après l’entrée des Russes en Ukraine.

 

Au sujet d’Al Mubadara :

C’est un mouvement démocratique qui compte 80 % de femmes et de jeunes parmi ses adhérents. Notre parti propose une alternative non fondamentaliste qui mise sur la non-violence. Non pas par opposition à la résistance. Car la résistance d’un peuple occupé est légitime, reconnue et autorisée par le droit international.

L’idée c’est la résistance de masse non-violente telle que l’a été la première Intifada commencée en décembre 1987. D’abord organisé régionalement, l’organisation du parti se construit aujourd’hui au niveau national.

La plupart des Palestiniens sont écœurés par le choix binaire auquel ils sont réduits : ou le Fatah, obéissant et corrompu, ou le Hamas, fondamentaliste religieux. L’Initiative Nationale Palestinienne constitue une autre option pour conduire la résistance palestinienne en partant d’une stratégie à quatre composantes :

1.     fomenter une résistance non-violente de masse ;

2.     aider les gens à résister, en stimulant leur résilience et en les aidant dans leur vie de tous les jours ;

3.     s’appuyer sur un fort mouvement de solidarité international;

4.     un leadership unifié.

Notre combat est claire : nous luttons contre l’apartheid, contre le capitalisme libéral et pour la démocratie.

D’autre part nous disposons d’un agenda social. Nous réclamons l’état de droit, les droits liés à la citoyenneté, les droits de la femme, les droits des enfants, des handicapés, les droits sociaux, bref, le respect intégral de tous les droits humains.

Quant à notre combat pour la Démocratie, il s’exprime dans une lutte politique contre le Fatah au pouvoir, qui bloque les élections (présidentielles et législatives) et procède à l’arrestation des opposants politiques. Il en va de même pour le Hamas qui détient le pouvoir à Gaza.

Nous demandons la « réconciliation » de tous les partis politiques en Palestine et cherchons à être identifiés comme le troisième parti politique à la manœuvre dans le pays.

 

Docteur BARGHOUTHI pouvez-vous nous conseiller sur les deux points suivants :

1.     Que dire à celles et ceux qui prétendent que l’Etat de Palestine n’existe pas ?

2.     Quels arguments pouvons-nous apporter dans ces interminables débats qui ont souvent lieu en France sur la Palestine et notamment sur la question de « quelle solution : un ou deux états ?»

 

Au premier point je répondrais simplement : dites aux Français de comparer la situation de la Palestine à celle de l’Algérie qui n’existait pas pendant la colonisation et qui aujourd’hui est un Etat souverain.

Pour la deuxième partie de votre question, ce n’est pas le problème des Français mais celui des Palestiniens. Ce sont les Palestiniens qui décideront. Nos débats, qui ont précédé, vous apportent tous les éléments de réponses.


Bios

Né en 1954 à Jérusalem, Moustapha BARGHOUTHI est médecin, formé dans les universités de Moscou, Jérusalem et Stanford.

En 1979, Moustafa Barghouthi fonde l'Union of PalestinianMedical Relief Committees, une Organisation non gouvernementale qui fournit des soins médicaux et autres services dans la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Il en fait encore partie de cette Union en tant que Président.

En 1989, Barghouthi est l'un des fondateurs du Health, Development, Information and Policy Institute, un think tank représentant une alliance de 90 organisations communautaires palestiniennes.

En 1991, Moustafa Barghouhti fut l'un des délégués à la conférence de Madrid, qui avait pour objectif la fin du conflit israélo-palestinien et de la première Intifada.

En 1996, il se présenta avec succès comme candidat au Parlement durant les premières élections de l'Autorité palestinienne.

En 2002, il quitte le PalestinianPeople's Party et créé, avec d’autres militants, l'Initiative Nationale Palestinienne (al-Mubadara al-Wataniyya al-Filistiniyya), organisation politique laïque, afin de créer une alternative à la fois au Fatah et aux groupes militants islamiques tels que le Hamas. Moustafa Barghouthi est actuellement le secrétaire général de cette initiative.

Il fut, en 2006, candidat à l’élection présidentielle. Il obtint un tiers des voix et se classa en seconde position, derrière le président actuel de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Il a été ministre de l’information dans le gouvernement palestinien d’union nationale constitué en 2007 après les élections législatives.