Sommaire     La campgane BDS - Mulhouse - CEDH

ACCUEIL

 

    

La force de l'arrêt de la

Cour Européenne des Droits de l'Homme

du 11 juin 2020

A Stuttgart, la justice réaffirme

la légalité du mouvement BDS

   

307/04/22

AFPS National

En Allemagne, si le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) en faveur du respect du droit international en Israël et en Palestine fait l’objet de vives attaques de la part des autorités politiques, la justice protège les acteurs de terrain qui soutiennent le mouvement. Parmi ces acteurs de terrain, figure le Comité Palestine Stuttgart, une association dont le siège se trouve à Stuttgart. L’association cherche à mobiliser l’opinion publique dans le BadeWürtemberg, un Land du Sud-Ouest de l’Allemagne, en vue d’obtenir des autorités allemandes qu’elles cessent leur soutien sans condition aux autorités israéliennes.

En 2021, la municipalité de Stuttgart a retiré le Comité Palestine Stuttgart de la liste des associations de la ville figurant sur son site internet et décidé de ne plus annoncer ses évènements. Le Comité a exercé un recours auprès des services municipaux pour solliciter sa réinscription. Le recours a été rejeté et le motif invoqué par la municipalité était le soutien que l’association apporte au mouvement BDS, soutien incompatible avec la solidarité affichée par la ville avec l’Etat d’Israël, ses habitants et ses institutions. Le Comité a donc été contraint de saisir la justice administrative.

Dans un jugement rendu le 21 avril 2022 (7 K 3169/ 21), le tribunal administratif de Stuttgart a ordonné à la ville de publier à nouveau les coordonnées de l’association sur son site internet et d’y indiquer les évènements qu’elle organise. Pour le tribunal, aucune loi n’autorise la municipalité à refuser d’inclure les coordonnées de l’association sur son site internet parce qu’elle soutient le mouvement BDS. Et en tout état de cause, indique-t-il, une telle loi violerait le droit à la liberté d’expression et serait probablement anticonstitutionnelle. Dans sa décision, le tribunal précise au demeurant que, d’une part, la liberté d’expression couvre les opinions anti-israéliennes et, que, d’autre part, rien ne permet de penser que les appels au boycott relayés par le mouvement BDS concernent les communautés juives vivant en Allemagne ou seraient des appels à la haine contre les juifs vivant en Allemagne.

Le Comité Palestine Stuttgart disposait par ailleurs de deux comptes bancaires auprès de la banque du BadeWürtemberg, comptes qui étaient utilisés pour collecter les cotisations des membres de l’association et financer les dépenses courantes de l’association. La banque a fait fermer ces comptes bancaires en février 2022, au motif que le comité est une association qui soutient le mouvement BDS, dont la banque rappelait, qu’il a été condamné par une résolution du Bundestagvotée le 17 mai 2019. Le comité a exercé un recours interne auprès de la banque, recours qui a été rejeté. Là encore, il a été contraint de saisir la justice.

Par ordonnance du 26 avril 2022 (46 0 237/22), la Cour régionale civile de Stuttgart, statuant en référé, a décidé que la banque du BadeWürtemberg a eu tort de fermer ces deux comptes bancaires pour ce motif, car cela a violé de manière évidente de la liberté d’opinion et de la liberté d’association garanties en Allemagne par la Constitution. Elle a rappelé à cette occasion que la résolution anti BDS adoptée par le Bundestag n’a aucun caractère législatif. La Cour a ordonné à banque que les deux comptes de l’association soient rouverts tant qu’une décision sur le fond de l’affaire n’est pas rendue.

Ces deux décisions constituent une nouvelle victoire des partisans du mouvement BDS. Elles s’inscrivent dans un contexte plus large de reconnaissance par la justice allemande du droit au boycott des produits israéliens et de la légalité du mouvement BDS. Dans le même temps, elles illustrent les nombreux obstacles juridiques qui sont posés par les autorités politiques allemandes à l’expression citoyenne de la lutte pacifique contre l’apartheid israélien.

Ghislain Poissonnier, magistrat