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Demande de révision de la condamnation

des 12 militants BDS de Mulhouse.

Cour de Cassation. 10 février 2022

   

05/01/2022

AFPS Alsacel

Ce jeudi 10 février 2022 se tenait une audience de la Cour de Cassation chargée d’examiner les conditions d’instruction de la demande de révision du jugement de la Cour d’Appel de Colmar ayant condamné les 12 militants BDS de Mulhouse.

Maître Mathonnet a défendu les requérants. Etaient présents à l’audience : Henri Eichholtzer, l’un des requérants, accompagné de Guy Peterschmitt (AFPS Alsace) et Didier Fagard (AFPS Nationale).

 

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Rendez-vous à 8h devant la fontaine Saint Michel avec Henri Eichholtzer.

Le temps de traverser la Seine, nous sommes devant l’entrée de la Sainte Chapelle et de la Cour de Cassation. Nous n’irons pas déposer un cierge à la Sainte Chapelle… c’est la Cour de Cassation qui nous attend

Contrôles, scanner, fouille de bagage et nous entrons dans cette enceinte grandiose.

Didier Fagard de l’AFPS Nationale nous rejoint.

Première surprise : contre toute attente, deux avocats des parties civiles entrent, l’une au titre d’Avocats sans Frontières, l’autre au titre du BNVCA… Nous apprendrons plus tard que  pour des raisons à préciser, Maître Mathonnet n’a pas été informé de la constitution des parties civiles devant la Cour de Cassation et n’a donc pas été destinataire de leurs conclusions.

Deuxième surprise : La Cour est constituée de 4 magistrats qui accompagnent la présidente de la Cour, tandis que 8 conseillers prennent place devant eux. Impressionnant !

Une des magistrates expose rapidement l’historique de cette affaire qui dure depuis plus de 12 années.   Les faits incriminés remontent à 2009 et 2010, la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Mulhouse à 2011. L’examen d’aujourd’hui (demande de révision du jugement de la Cour d’Appel de Colmar qui a condamné les 12 militants BDS de Mulhouse), vient après l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 11 juin 2020 qui a condamné l’Etat français pour ne pas avoir respecté l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme relatif à la défense de la liberté d’expression

La parole est donnée à Maître Mathonnet, avocat des requérants qui expose ses conclusions.

·Après avoir rappelé la teneur de l’Arrêt de la CEDH, Maître Mathonnet plaide auprès de la Cour la révision du jugement de la Cour d’Appel de Colmar devant l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation

La requête des plaignants pose une question de droit :

  • En effet, les faits ont déjà fait l’objet de débats contradictoires en procédure interne et d’un arrêt de la CEDH devenu définitif puisque l’Etat français n’a pas fait appel. La question posée n’est donc pas de recommencer un débat déjà tranché par les juridictions compétentes, mais de mettre l’interprétation de l’article 24-8 de la loi française de 1881 sur la presse en conformité avec l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. En effet, l’interprétation par les juridictions internes françaises qui ont abouti à la condamnation des 12 militants BDS de Mulhouse  a été qualifiée d’abusive par la CEDH.

Cette requête pose également une question de justice

  • En effet, le maintien d’une condamnation infamante en droit interne, pour des délits qu’ils n’ont pas commis est particulièrement insupportable pour ces militants de Droits de l’Homme, animés par les idéaux de lutte contre toute forme de racisme et de discrimination. Les condamnés n’ont jamais appelé à la discrimination contre les citoyens israéliens, mais seulement milité pour des sanctions contre un régime politique qu’ils critiquent en participant à la campagne BDS, reconnue par la CEDH comme une campagne d’opinion à caractère politique et d’intérêtgénéral,

L’avocate de l’association Avocats sans frontière donne la réplique à la plaidoirie de maître Mathonnet :

  • ·D’emblée, elle s’attachera dans une longue démonstration, à appeler la Cour à rejeter la demande des plaignants de saisir l’Assemblée plénière, mais de renvoyer l’affaire devant une nouvelle Cour d’Appel, en l’occurrence la Cour d’Appel de Paris.

  • Elle s’appuie sur le fait que la CEDH affirme dans son arrêt qu’elle n’a pas compétence de remettre en cause la loi française sur la presse de 1881 et revendique que seul le juge interne a compétence pour en fixer l’interprétation. Elle occulte que la CEDH, après avoir examiné les critères qui peuvent justifier une ingérence limitant la liberté d’expression a conclu que l’interprétation abusive de cette même loi ne pouvait justifier la condamnation de 12 militants BDS de Mulhouse

  • Elle tente de montrer que sous leurs dehors de défenseurs des Droits de l’Homme les militants BDS et plus particulièrement ceux de Mulhouse, favorisent les pires des attentats antisémites, dont ils portent en partie une responsabilité par leurs actions.

  • L’avocat du BNCVA intervient de manière assez confuse, en soutenant la plaidoirie de sa collègue … jusqu’à qualifier la campagne BDS de campagne « Boycott / Désinformation / Sanction »

Le Ministère Public, par la voie de l’Avocate Générale s’adresse à la Cour :

Concernant la demande de réexamen déposée par les requérants.

Outre la persistance de la mention inscrite à leur casier judiciaire et le caractère particulièrement infamant d’une condamnation prononcée au titre de la provocation à la discrimination et à la haine raciale, ils font valoir que les arrêts de la Cour d’Appel de Colmar, confirmés par la Cour de Cassation, font perdurer l’interdiction qui touche l’ensemble de la population d’appeler au boycott des produits en provenance d’Israël et de rejoindre la campagne internationale BDS.

Le ministère public demande à la Cour de faire droit à cette requête à cet égard

A ce stade, il dénonce l’attitude des parties civiles qui en transformant l’interprétation de l’acronyme de la campagne BDS cherche à jeter le discrédit sur les militants de cette campagne.

Sur le réexamen des pourvois en Assemblée plénière de la Cour de cassation.

La violation de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme retenue par la CEDH résulte de l’interprétation abusive faite dans les arrêts par la Cour d’Appel de Colmar de l’article 24 alinéas 8 de la loi sur la presse de 1881. En effet elle a jugé que l’appel au boycott de produits en provenance d’Israël caractérise à lui seul un élément matériel d’appel à la discrimination. Dans cet esprit la CEDH a jugé que la défense de l’ordre et la protection de droits d’Israël à accéder à un marché était un but légitime qui pouvait justifier des restrictions à la liberté d’expression

Mais, cette même CEDH à consacré l’appel au boycott comme une modalité particulière d’exercice de la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la  Convention Européenne des Droits de l’Homme tant qu’il ne dépasse pas les limites d’un appel à l’intolérance ou à la haine. Elle a estimé que dans le cas particulier, de ce jugement, les juges de la cour d’Appel de Colmar n’ont pas fait la démonstration de la nécessité des condamnations qu’ils ont prononcées pour parvenir au but énoncé : la protection de l’ordre public et la liberté pour Israël d’accéder un marché.

Dès lors que les faits ont été examinés aucun élément ne semble exiger que de nouveaux débats interviennent au fond, pour examiner la légitimité et la pertinence de la demande de plaignants. Ainsi, le réexamen des pourvois paraît de nature à remédier à la violation constatée par la CEDH, l’assemblée Plénière de la Cour de Cassation, pouvant prononcer une cassation sans renvoi.

Le ministère public demande ainsi à la Cour :

  • De dire bien fondées les demandes de réexamen des condamnations  prononcées par la Cour d’Appel de Colmar le 27 novembre 2013

  • De renvoyer ces derniers devant l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation

La présidente de la cour annonce que la décision de la Cour sera prononcée le 7 avril prochain.

A la sortie de la Cour de Cassation avec Didier Fagard

Compte rendu

Henri Eichholtzer

Guy Peterschmitt